A force d’entendre dire du mal de ce mec,
je vais finir par l’adorer…
Pourquoi tant de gens détestent Booba ?
. Parce qu’il semble le porte parole d’un rap français américano Bling-Bling dans lequel bon nombre d’entre nous ne se retrouvent pas, et plupart du temps ignorons les modèles des carrosseries? Certes !
. Parce qu’il s’est invité en prime time sur TF1 dans une grande émission de musique variété, alors que le rap à la télé, avant ça, c’était plutôt des clips et des live très tard le soir sur M6, pour tenir les lascars éveillés jusqu’à l’heure des perquiz’? Certes !
. Parce que lors d’un grand concert au Stade de France, il proposa à une partie du public une bouteille de Whisky alors que les gars s’apprêtaient à reprendre le volant pour rentrer chez eux, et que lui-même à jeun a un chauffeur pour le conduire? simple problème de feed back !
. Parce qu’à chaque nouveau clips, le gars apparaît encore plus BA-LAISE, et que tout cela ne semble pas très normal, pour ne pas dire Illégal ? Ça en revanche, ce me semble une très très bonne raison… Je te déteste, Booba !
Il m’est agaçant de voir aujourd’hui tant de gens s’acharner et cracher sur Booba, tout en s’empressant d’appuyer sur la touche repeat de leur lecteur MP3 dès qu’ils entendent arriver les dernières notes du « Crime Paie ».
« Le Crime paie ». C’est quoi ?!! Un tube de Chantal Goya ! Peut-être? Le premier morceau de l’album Voulez vous Danser Grand-mère (1976) ? Mais bien sur !
J’ai toujours rêvé d’être un super héros pour venir en aide aux personnes en difficulté. Et quand il s’agit en plus d’une légende du rap, je me sens davantage pousser des ailes.
Booba est commercial ! Booba se la raconte ! Booba est juif !… J’entends dire un peu tout et tout sur le gars. C’est assez marrant ! Si Booba est juif, et s’il se la raconte, cela m’importe peu. S’il est commercial, C’est plus inquiétant, et là ça me dérange franchement. Moi qui pensais qu’en France aussi le R.A.P permettait à ses artistes de vivre confortablement je suis déçu. Si même le plus grand rappeur français est obligé enchaîner plusieurs taf pour survivre, c’est chaud ! D’autant plus que commercial, ça doit pas être un métier facile pour un rappeur. Vous imaginez le truc ?
BOOBA (dans le rôle du vendeur) : J’peux vous renseigner, cousin ?
LE CLIENT: Oui ! s’il vous plait. Je cherche un cadeau pour mon fils… Ce grand tee-shirt là, c’est quoi comme marque ?
BOOBA : Ça, c’est du Unkut, cousin ! Authentique ! Rien que pour les vrais…
LE CLIENT : Comment vous dites ?
BOOBA : Unkut, cousin ! Authentique ! Rien que pour les vrais…
LE CLIENT : Unkut, vous dites ! C’est quoi, c’est Américain ?… ça commence par deux ii, non ?
BOOBA : si si !
LE CLIENT : Mais ça devait plutôt se prononcer Inkut, que Unkut !non ?
BOOBA : non non !
LE CLIENT : si si !
BOOBA : Ecoute, cousin ! A Boulbi, dans le 92i on prononce u.
LE CLIENT : Hein ! comment ça i se prononce u! ça va pas ou quoi ? Chez nous, Monsieur… et c’est pareil partout en France… le i se prononce i, et le u se prononce u… Et deux i, se prononcent comme un seul!
BOOBA : Non, cousin !
LE CLIENT : Si, monsieur !
BOOBA : C’est Unkut, j’te dis, cousin ! On dit comme ça, nous !
LE CLIENT : Mais je me fiche de comment vous dites ! Vous avez tort ! Je ne suis pas d’accord ! C’est tout !
BOOBA : Vas y renoi, t’sais quoi, toi qui sait tout ? C’est Unkut pas Inkut… C’est comme ça ! Si t’aimes pas, t’achètes pas et puis c’est tout…
Bref !
Reprenons nos esprits !
Booba est ce qu’il est : Un personnage hyper charismatique et médiatique. Un rappeur surdoué, doté d’un flow unique, toujours aussi propre (selon moi.) et qui parfois comme tout être humain qu’on égratigne, perd (facilement ?) les pédales. Mais ses frasques font-elles pour autant de lui un mauvais rappeur? …Je vous la refais façon bac de Philo.
Peut-on compromettre une brillante carrière artistique en balançant une bouteille de Jack ?
Sur le plan purement artistique, Booba n’a pour moi pas son pareil dans notre industrie. Je ne voudrais pas m’éterniser sur une discographie trop brillante, mais juste après « le crime paie » et le « Le Son qui Met la Pression » de l’époque Lunatik, citer quelques titres immortels chez les immortels (selon moi toujours) afin de remettre les choses en mémoire :
«Le Bitume avec une Plume »
« Temps Mort »
« Numéro 10 »
« Garde la Pêche »
…et bien sur l’incontournable « Boulbi »…
Moi, je dis respect ! Et pour parodier un grand humoriste noir qui répond bizarrement prénom de Thomas, je dirais « Mec ! Si tu peux nous refaire des sons pareils, j’te paye et je les jette à ta place les bouteilles ! ».
Le quatrième et dernier album de Booba, 0.9, c’est de la bonne came, quoi qu’on en dise. Ceux qui n’ont pas aimé ont sûrement leurs raisons. Ceux qui n’ont pas écouté ont tort. Ceux qui n’ont pas aimé sans l’avoir écouté… A ceux là, j’ai deux trucs à leur dire. D’une part, que tout bon commerçant qui se dit loyal et se respecte, sait qu’en matière de came, le meilleur moyen de pas se faire rouler, c’est encore de la goûter. De deux, j’suis chroniqueur, pas psychologue ! Je ne peux donc pas grand-chose pour vous.
Dans la lignée du précédent Ouest Side (2005), 0.9 est une avancée musicale. On se doit pour commencer de faire remarquer quelque chose qui n’a peut etre pas été assez souligné; un travail très poussé au niveau des prods sous la houlette d’Animalsons, Phrequincy, Street Fabulous… Après « Illégal », « Garcimore » et « Izi Monnaie » très loin déjà d’être des navets mais qui n’étaient inconnus, et en plus de l’excellent « Game Over » qui tourne actuellement sur nos ondes, trois autres morceaux me paraissent sortir du lot. « Salade, Tomate, Oignons », un hommage à Jean-Pierre Coffe et son rude combat contre la « mal bouffe »/ Le très remuant « Pourvu Qu’elles m’aiment » qui je suis certain fera parler de lui en temps venu/ et pour finir, « R.A.S », une confession intime sur fond de rap chanté. Tout simplement surprenant !
0.9 est un témoignage, celui d’un artiste qui au fil des années s’ouvre et s’essaye à différents styles. Le témoignage d’un rappeur qui tente de pousser son art toujours vers d’autres confins.
Si L’Egotrip y est encore plus marqué, et parfois même poussé à l’excès, il faut quand même reconnaître que dans ce domaine le Duc est roi et n’a pas son pareil.
Comme beaucoup, je regrette bien sûr de ne plus l’entendre (ou plus assez) nous parler de la Rue comme il le faisait si bien autrefois, et le voir nous puncher à la place 16 rimes sur ses goûts de luxe, ses grosses caisses et ses biatches, surtout, en cette période de crise… mais je lui pardonne. Peut-on encore demander à un rappeur 32 ans de nous parler de la rue et de la pègre avec la même rage et la même sincérité que jadis, lorsqu’il en avait 20 ? Difficile de répondre! Après dix ans de succès et plusieurs Millions est ce qu’on attend encore de lui? La vérité est que Booba, bien que toujours au top, n’est plus seulement un rappeur, c’est aussi un homme d’affaire, un nouveau riche à l’aise dans ses Air Force 1, et qui s’assume complètement. Et après tout, ce n’est peut être pas si mal comme ça, car à l’heure d’aujourd’hui, je pense qu’il y a bien mieux placé que Booba pour parler de la Rue.
Notre cher rap français ne manque pas de talents. Son avenir est largement assuré. Après Booba, d’autres viendront. Beaucoup je pense excelleront sans jamais parvenir à l’atteindre, quelques uns le surpasseront. Aucun ne lui enlèvera cependant ce qu’il a apporté au mouvement ( entre autre, notamment, une visibilité du rappeur plus importante à travers les mass médias). Et les 5 letttres de son nom, resteront gravées à jamais au Panthéon, qu’on le veuille ou non…
Jude