Tracklist #03 (Janvier 2002) : 357 Magnum Posse.
Bien que peu connus du grand public, le groupe 357 MP (pour Magnum Posse) n’est pas un nouveau venu dans le paysage Hip Hop français. Des années à œuvrer en sous-marin, la bombe à la main, cartonnant à tout va le métro à la grande époque du graffiti. De la trentaine d’acharnés du 357 MP crew de taggueurs, il n’en reste que trois au sein du 357 groupe de rap : Thief 3, Guims et Donxa, les autres ayant du abandonner de gré ou de force au fil des années. Après deux maxis sortis dans la plus grande confidentialité, le trio revient dans nos bacs avec un 5 titres intitulé « Danse l’ombre » dont 4 titres ont été produits par le BOSS (DJ James en l’occurrence).
La connexion est loin d’être fortuite puisque Jaeyez et Joey Starr sont des connaissances de longue date (ils prêtent d’ailleurs main forte au 357 sur le dynamique « Les vibes qui mènent », remixé par Sully B Wax), certains ayant été croisés le long des voies du métro lors des agressions nocturnes contre la RATP.
Pourquoi ce passage du tag au rap ? C’est à la fois la recherche d’une reconnaissance plus grande et aussi la prise de conscience que leur message pourrait être entendu par un cercle plus large que celui qu’ils touchaient jusqu’ici. Une maturité qui se ressent tout au long de leur maxi, prélude à un album prévu pour le premier trimestre 2002 où devraient se croiser artistes reconnus et nouveaux venus, une façon de rappeler que même si eux ont eu la chance de mettre sérieusement un pied dans le business, tous n’ont pas eu la même et continuent à « danser dans l’ombre ».
Avec une moyenne d’âge supérieure à 25 ans, on pourrait croire le groupe définitivement assagi mais les trois MCs tiennent à garder l’esprit originel de leur crew : « notre but dans le tag, c’était de décharger d’où le nom 357 Magnum Posse. On voulait tout déchirer pour se faire connaitre et c’est toujours le même esprit qui nous anime aujourd’hui dans le peura. Cependant, on ne perd pas de vue le côté revendicatif pour autant » nous confie Thief 3. Quand on les interroge sur la situation actuelle du rap français, le constat est un peu amère : « Le mouvement Hip Hop a pris une nouvelle tournure, le côté opposition à la société et à l’Etat a disparu. Je ne sais pas si Hip Hop est un terme qui convient vraiment à la France ». Une réflexion peu surprenante pour un groupe qui prône l’unité et l’intégrité dans un milieu où le copinage d’intérêt et la facilité règnent.
D’aucun diront qu’il peut paraitre surprenant qu’un groupe refusant à ce point les concessions puisse signer en major, d’autant plus que la transition avec l’univers de liberté absolue du graffiti est assez radicale. Pourtant, 357 n’y voit aucun paradoxe, estimant que la signature chez une pointure comme EMI est un atout de poids pour diffuser leur message au plus grand nombre d’auditeurs possible. C’est d’autant plus vrai que leurs deux premiers maxis leur ont suffisamment permis de tâter le terrain et que leurs années d’expérience au sein du Hip Hop leur ont permis d’acquérir un recul suffisant pour pouvoir préparer un album réfléchi et varié.
Cependant, leur signature chez EMI n’aura pas eu que des effets bénéfiques puisque les deux fusions successives de la maison de disque auront ralenti la sortie du groupe pourtant prêt depuis quelques temps. Leur heure est enfin arrivée avec l’injection dans les bacs de ce maxi 5 titres réalisé au feeling, qui servira de carte de visite auprès de ceux qui ne connaitraient pas le groupe. Thief 3, Donxa et Guims livrent leur vécu, apportent leur point de vue sans démagogie, sans un quelconque calcul sur les sujets qui leur tiennent à cœur.
Le morceau le plus marquant du maxi est sans nulle doute « Les vibes qui mènent » sur lequel les MCs de Seine Saint Denis partagent le micro avec notre Jaguar Gorgone national (toujours aussi en forme) et son acolyte, ex-Afrojazz, Jaeyez. Ils mettent en garde contre la facilité à se laisser emporter par « les mauvais courants » : « C’est trop facile de tomber dans le schéma ‘tu me regardes mal, je te regarde mal, on se rentre dedans’, c’est de cela qu’on a voulu parler ». Sur « Danse dans l’ombre », ce sont ceux qui travaillent sans relâche mais sans obtenir la reconnaissance qui leur est due qui sont mis à l’honneur. Quant à leur côté Magnum Posse, il est parfaitement justifié sur l’égotrip « 357 MP » ainsi que sur « Sonne le glas » où un ton résolument hardcore est utilisé pour dénoncer les défauts d’une société à deux vitesses.
Si le côté « magnum » n’est pas celui qui ressort le plus sur le maxi, le concept du groupe est parfaitement représenté sur la pochette du maxi, réalisée avec talent par Julien Pelgrand : trois têtes coupées, mutilées, sales comme si elles avaient trainé des années durant dans les bas fonds les plus crasseux. « 357 MP, c’est exactement ça. Des hommes décapités dont la tête a roulé dans le caniveau mais qui finalement ont pu se redresser pour revenir plus forts que jamais ».
Thief 3 et les seins sont conscients de ne pas s’être suffisamment exposés pour préparer l’arrivée de leur maxi mais le groupe a une explication des plus convaincantes, gage de leur intégrité : « On a eu la possibilité d’apparaître sur divers projets mais à chaque fois ça ne s’est pas fait parce qu’on n’avait pas envie de s’y impliquer plus que ça. Mais des collaborations sont tout de même prévues dans le futur ».
La sortie de leur premier album devrait être précédée d’un second maxi, souhaitons qu’ils puissent danser dans la lumière à l’avenir.
Captain Cavern.
Ahaha c'est mignon, j'étais encore timide (ça devait être mon 2ème papier dans un mag' à diffusion nationale) mais putain j'en avais chié pour l'écrire vu le peu de matière que j'avais après l'interview (que j'avais super mal menée).