DJ Tacteel.
Le temps où DJ Tacteel officiait en tant qu’une des facettes de l’heptagone ATK est loin. Désormais émancipé du groupe, il peut enfin laisser totalement exprimer sa fibre créatrice comme le prouve son premier EP « Butter for the fat » dont la sortie (en vinyl) devrait se faire en décembre. Rencontre avec un grand espoir du renouveau du Hip Hop en France…
Peux-tu nous retracer ton parcours ?
Tacteel : Mes tout débuts étaient avec ATK, enfin avec la Section Lyricale que je formais avec Cyanure, Kesdo et Axis.
On a sorti avec ATK en 1998 notre premier album « Heptagone ». Je me suis mis à la production pour ce projet : j’ai réalisé « 20 ans », un morceau solo de Cyanure (qui lui ressemble complètement) et « 7ème sens » le solo de Test que je trouve plutôt bien réussi. J’ai également co-enregistré et co-mixé l’album aux côtés d’Axis ce qui m’a permis de bien apprendre le travail de studio.
Après ça, j’ai continué à produire en vue d’un second album d’ATK mais le groupe a splitté. Depuis j’ai tourné définitivement la page et je suis parti dans un délire instrumental. J’étais un peu lassé d’entendre qu’on ne pouvait pas rapper sur mes prods ou alors seulement des Américains.
C’est plutôt un compliment ça !
Tacteel : Oui mais bon, je connais pas de Cainris (rires) et dans ces cas là, tu te retrouves vite à faire du son dans ta chambre.
C’est comme ça que l’idée de faire un truc solo instrumental est née. Au départ, j’ai fait ça pour m’amuser mais je me suis pris au jeu d’autant plus que certaines personnes que j’ai rencontré ont trouvé ça intéressant.
Donc voilà… Après avoir passé trois ans à faire du son dans mon coin, je sors ce premier EP 8 titres en indépendant total.
Comment s’est faite la transition entre les morceaux classiques d’Heptagone et les prods plus riches et travaillées de « Butter for the fat » ?
Tacteel : Quand tu commences à faire du son, tu as forcément l’influence des gens dont tu aimes la musique et tu as du mal à sortir la tête de ce style là. C’était une époque où la côte Est faisait des choses magnifiques, j’étais fan de DJ Premier parce qu’avec des trucs simples, il arrivait à faire passer une émotion pas croyable (ce que je trouve il a perdu depuis quelques années). Il y a peut être aussi le fait que je travaillais dans le cadre d’un groupe et que je pensais le son en fonction des MCs.
A un moment donné, j’ai eu envie de faire des instrus pour moi, des instrus qui se suffisent à elles-mêmes, qui n’ont pas besoin de MC. Les gens peuvent trouver ça bizarre mais ce n’est que moi qui m’exprime par le biais de ma musique. C’est le même travail que celui d’un MC qui écrit un texte.
Quelles sont tes influences ?
Tacteel : Du jazz, du free jazz, de la fusion, du funk, des trucs de musique électronique qui m’ont vraiment retourné la tête comme Dopper Effect ou du classique (rythmiquement, il a des choses très intéressantes dans le classique). J’essaie d’écouter des choses qui me surprennent, quelque soit le genre.
En Hip Hop, des gens comme Anti Pop Consortium, Company Flow, Prefuse 73, Dan the Automator, DJ Shadow… Les choses qui sortent sur Subvers, le label de Bigg Jus. Dr L aussi.
Le Hip Hop instrumental en France est quasi-inexistant. Penses-tu pouvoir toucher le public français ?
Tacteel : Il n’y a rien de comparable à ce que peuvent faire DJ Shadow, Dan the Automator ou Prefuse 73. Avec James Delleck et Para One, on s’y met mais ça n’existe pas encore dans le peura : on a envie de l’apporter et de faire évoluer cette musique. On voudrait en faire une forme d’expression à part entière. Il n’y a pas d’intermédiaire entre les MCs et les break beats pour les turntablists.
Tu sais que les artistes qui font la même musique que toi sont classés en electronica et non en Hip Hop chez les disquaires. Beaucoup de gens vont essayer de vous chercher des poux dans la tête…
Tacteel : En France, les gens auront du mal à écouter mon EP parce qu’ils n’arriveront pas à le mettre dans une catégorie. Il faut que les gens comprennent qu’on peut aimer la musique sans chercher à savoir si c’est du Hip Hop ou pas. C’est de la musique, point. Mon travail est Hip Hop : si quelqu’un me classe dans la musique électronique mais apprécie mon travail, ça ne me gène pas. L’important c’est la musique. Si les gens sont curieux et que tu assumes ce que tu as fait, c’est suffisant.
La pochette de ton EP est vraiment très réussie. Qui l’a réalisée ?
Tacteel : C’est un graphiste du nom de Ra (
http://www.raspage.com). Je lui ai fait écouter ce que je faisais et à partir de ça, il a créé un univers visuel. Il fait également du son et j’espère qu’un jour les gens entendront ce qu’il fait.
Tu as d’autres projets ?
Tacteel : On peut retrouver le morceau « Selective approach » sur la compilation « Projet Chaos ». J’ai produit dernièrement un morceau pour l’album de TTC.
Je produis des sons pour le projet l’Atelier, un groupe composé de Tekilatex, Cyanure, Fuzati, James Delleck, Para One, et moi.
Il y a aussi un autre projet de Hip Hop instrumental que je fais en coproduction avec Para One intitulé « Fuck a Loop ». Ça veut bien dire ce que ça veut dire (rires), c’est un truc qui part bien en couille comme on aime. Ça ne sera pas du tout dans la continuité de mon EP, c’est radicalement autre chose.
Sinon, depuis longtemps Cyan et moi avons envie de travailler ensemble. Notre collaboration débute vraiment en ce moment : on a posé un morceau sur la mix-tape « La Contre Face Son 2 » (dont l’instru, « Progeria » est sur le EP). On prend vraiment beaucoup de plaisir et j’ai très envie de réaliser son EP solo.