par B.G Lolo le 08 Mars 2008, 18:54
Définition française du Gangsta Rap en un mot et deux chiffres ?
Southcide 13.
Pas la peine de chercher plus loin, le duo du XIIIe Arrondissement incarne à lui seul la transposition réussie dans la réalité hexagonale d'un genre jusqu'ici typiquement américain.
L'exercice est pourtant périlleux : copiers/collers impersonnels, excès de "wannabisme", surenchères "caillera" ou "bling bling", impostures diverses et variées, beaucoup s'y sont cassés les dents. Car il ne suffit pas de connaître la recette, encore faut-il avoir les bons ingrédients. Comme le souligne BG Lolo au détour de l'album Du berceau à la tombe : « un vécu ça pousse pas sur un morceau ». Or du vécu, lui et son acolyte OGK en ont à revendre. Les écouter, c'est plonger en apnée dans près d’un quart de siècle de bitume parisien, là où ils sont nés, ont grandi, ont fait leurs armes, ont perdu des proches aussi. Leurs parcours respectifs cristallisent toutes les joies et les turpitudes de la rue. Mais si leur rap peut légitimement se prévaloir de l’adjectif "gangsta", c’est précisément parce qu’il apporte un témoignage direct et inédit sur les affrontements entre bandes plus ou moins organisées dont la capitale et sa banlieue ont été le théâtre durant les années 80 et 90. La chasse aux fafs, en particulier, y occupe une place centrale. Non moins violente, cette lutte répondait à des impératifs autrement plus nobles que de simples revendications territoriales ou autres contrôles de trafics illégaux. Il rejaillit du coup dans le rap de Southcide 13 un souffle qui relève, c’est vrai, de la chanson de geste urbaine : les groupes de jeunes voyous éradiquant la vermine fasciste y ont remplacé les guerriers d’antan.
Né en 1971 d’un père cubano-algérien et d’une mère franco-vietnamienne (une pub Benetton à lui tout seul !), Kim a passé une partie de son enfance à Compton où il a côtoyé des gangbangers Crips et a creusé le terreau de son amour pour le G-Funk californien. Authentique chasseur de skinheads néo-nazis, affilié aux Ducky Boys et aux Red Warriors, un des premiers Occidentaux à aller s’entraîner à Shaolin en 1988/89, champion d’Europe de boxe chinoise, enregistrant sa première cassette dès 1985 (l’hymne chasseur "Red Boys") à une époque où le rap en était encore à ses balbutiements de ce côté-ci de l’Atlantique, co-fondateur de la Mafia Trece, aujourd’hui "retraité" à Phuket en Thaïlande, on pourrait sans exagérer écrire un livre sur sa vie. Une verve et un charisme imparables.
De 7 ans son cadet (Kim est en fait un ami de son grand frère, membre des Bourreur Boys Junior), Lolo est lui aussi un enfant de Simone Weil, élevé au cœur du Chinatown parisien. Initié très jeune aux bandes, présent déjà en 1990 à la fameuse bagarre de la Halle Carpentier, c’est au sein des Bourreur Boys Minime (la troisième génération des BB) qu’il écume la dalle des Olympiades et ses alentours à partir de 1994. La droiture et la dureté de la rue personnifiées.
L’année suivante voit la création du collectif Mafia Trece qui réunit Southcide (le groupe de Kim), les BBM (dont Lolo bien sûr), Echo du Sud, Moovens’, mais aussi Yannick, à la carrière solo aussi éphémère que controversée, et Diam’s, qu’il n’est plus nécessaire de présenter. En 1997 sort Cosa Nostra, premier album autoproduit écoulé à 95000 exemplaires, véritable pierre fondatrice du rap indé en France. Un succès critique et commercial que ne réussiront malheureusement pas à égaler en 1999 le EP Lever de rideau et le second opus L’Envers du décor (ce dernier a tout de même atteint les 50000 ventes, chiffre qui ferait pâlir d’envie nombre d’artistes dans le contexte actuel de crise de l’industrie du disque).
Suite au démantèlement des BBM par la police et à la fin de l’aventure M13, BG Lolo intègre Southcide, vite rejoint par Bobax et 1K. En résulte L’Album de famille, qui revendique en 2000 des influences G-Funk (avec un soupçon de West Indies, les origines martiniquaises de Lolo n’y étant sûrement pas étrangères !) à contre-courant des canons "new-yorkais" en vigueur dans le rap français. 8000 ventes en totale indépendance, qui plus est sans promo majeure, ne sauraient mentir : le potentiel est bel et bien là !
Il faudra paradoxalement attendre 8 longues années pour qu’il se concrétise. Les aléas de la vie, les responsabilités parentales notamment, ont mis à l’épreuve la patience de Southcide 13, désormais réduit au binôme Kim/Lolo. La rencontre en 2004 avec Aelpéacha du CSRD (fusion des entités Club Splifton et Réservoir Dogues), est déterminante et amorce le maquettage de l’album. Intégralement orchestré par notre maître ès G-Funk national, Du berceau à la tombe recèle des productions dignes de l’âge d’or des mythiques labels de Los Angeles : Ruthless (Eazy-E, NWA, Above The Law, etc.), Death Row (Dr. Dre, 2Pac, Snoop Dogg, etc.) ou encore Dangerous Records (Ronnie Ron, Tweedy Bird Loc, les compilations Bangin’ On Wax, etc.). Cette irrésistible saveur Westcoast (qui s’immisce jusque dans la pochette, hommage à celle du classique Real Brothas de BG Knocc Out & Dresta) sublime à la perfection les récits de BG Lolo et OGK. Le tout dégage une sincérité touchante, une énergie brute, presque viscérale. Preuve, s’il en était besoin, que les expressions "street credibility" et "intégrité artistique", maintes fois galvaudées, ont encore un sens en 2008.
D’aucun prétendent le rap français malade, voire carrément décédé. Qu’on se rassure : tant qu’il y aura des groupes comme Southcide 13 et des albums comme Du berceau à la tombe, son pouls battra toujours…
1 ptite bio rediger par kiket cool