Sril a écrit:En 1994, un tout jeune rappeur pose son premier couplet sur "Autopsie", extrait de 95200, second, ultime et meilleur album du Ministère Ämer : Doc Gyneco. A l’aise, il joue avec son flow et fait des jeux de mots pourris ; tandis que son pote Stomy s’amuse à reprendre des chants enfantins, tout en évoquant la drogue dure qui – à cette époque – infiltrait les quartiers. "Voir un camé crevé ce n’est pas comique / Mais c’est tellement commun que ce n’est pas tragique".
Ce bref couplet, premier d’une longue série, aura en son temps, marqué bien des esprits. Un an plus tard, vers la mi-1995, un premier CD 2 titres estampillé Doc Gyneco voit le jour : "Viens voir le docteur / Est-ce que ça le fait ?". Moins énervé que lors de sa première apparition, le Doc arbore le flow dont il ne se séparera jamais plus (à l’exception, bienvenue, de "Tout saigne" en duo avec ses poulains des Sales Gosses).
Dans le premier titre, il parle, sans complexes, de sexe, s’imaginant des situations menant toutes à son cabinet, où il "s’occupera" assurément des trois femmes qu’il charme durant la chanson. "- Bon, déshabillez vous. - Complètement ? - Bin oui !". Ce dialogue surréaliste entre un médecin et sa patiente clos le titre avec une pointe d’humour, jamais loin dans les textes du Gyneco. "Est-ce que ça le fait ?", le second titre, invite Passi. Les deux rappeurs de la secte Abdulaï livrent là une prestation peu mémorable mais toutefois sympathique, en causant de tout, et donc de rien. Les musiques sont douces, reposantes mais entraînantes, moitié funky, moitié groovy. A l’opposé du rap de cette époque, tantôt énervé, tantôt dit conscient, le Doc livre deux titres chaleureux et insouciants. Bruno squatte là où on ne l’attendait pas et ça le fait.
"Est ce que ça le fait ? Ouaiiis, ouaiiis. Faut que ça le fasse / J’suis en place."
C’est le 16 avril 1996 que Première Consultation, son premier album, voit le jour. Le titre est assez anecdotique mais on esquisse un sourire et on se dit que le docteur ne doit rien avoir perdu de sa verve. Durant cette même année, Gyneco enchaîne les controverses. A commencer par son pseudo, totalement débile, qui choque malgré tout – durant un temps – les féministes. Ensuite, plusieurs paroles, pour le moins osées, sont censurées par Skyrock, fraîchement passé au Rap, qui jouera pas moins de sept titres extraits de cet album. Ainsi, le nom "Bérégovoy" est bipé lors du refrain de "Nirvana" lors de ses passages en radio. Toute cette controverse sera envenimée un an plus tard par l’embrouille avec le Secteur Ä, structure qui devra dans les années suivantes se séparer de ses autres membres principaux.
Assurément, tout cela fait jaser, et donc vendre. Véritable succès commercial, ce premier essai reste "l’album de ceux qui n’aiment pas le Rap, mais qui aiment bien Doc Gyneco". Ecoulé à plus d’un million d’exemplaires, Première Consultation demeure l’un des plus gros succès de l’histoire du Rap français, les seuls autres ayant dépassé cette barre du diamant étant Solaar et IAM. Peut être parce que cet album n’est pas un simple disque de Rap.
"C’est comme à l’entraînement quand je saute les obstacles / Je me balade sur le terrain musical."
Enregistré à Los Angeles avec de "vrais" musiciens, et ce grâce à la signature du Doc chez Virgin un an auparavant, Première Consultation reste – pour un premier essai – un coup de maître. Musicalement tout du moins.
La légende dit que Bruno a maquetté cet album, pour rigoler, sur des boucles faites à l'arrache la nuit pendant les sessions d'enregistrement de 95200. Fable ou pas, le Doc n’a en tout cas pas manqué son coup en produisant ou en co-produisant la quasi-totalité de ce disque (à l’exception de "Tel père tel fils" dont la musique est largement emprunté à Norman Whitfield et Barett Strong, crédités dans le livret). Ce mode d’enregistrement – avec des musiciens – permet de bonnes prises de risques, comme par exemple l’utilisation de percussions dans "Si tu crois que je peze" et "Est-ce que ça le fait ?". Le Doc stoppe ainsi la musique, lance les percussions, avant de les arrêter puis de reprendre de plus belle avec la boucle prédominante. Simple, mais diablement efficace.
Véritable élément musical, les voix féminines sont majestueusement utilisées. Le timbre nonchalante de Nancy Fletcher clos ainsi magnifiquement les cinq minutes que durent "Nirvana". A l’inverse, la voix fluette utilisée pour le refrain de "Les filles du Moove" donne un accent très "variété" à la chanson. Gyneco n’hésite pas non plus à utiliser des chants masculins pour certains de ses refrains, comme sur le mielleux "Celui qui vient chez toi (Quand tu n’es pas là)" ou bien "Né ici" où le Doc pousse lui même la chansonnette. Autre effet musical, lors de la fin du dernier couplet de "Celui…", la phrase "Celui qui vient chez toi quand tu n’es pas là" est balancé d’une oreille à l’autre. Petit détail apparemment insignifiant mais qui contribue tout de même au charme du morceaux.
Finalement, sur le plan musical, l’album apparaît donc très homogène, conservant tout du long une tiédeur qui lui est propre.
"Prisonnier du quartier, pris dans la fonce-dé / Plus rien ne m’étonne, plus rien ne me fait bander."
Au niveau des paroles, rien de neuf à l’horizon. Gyneco nous raconte son quartier ("Dans ma rue") – déclarant fièrement "La rue n’est pas à vendre / Ca fait vingt ans que je la loue" dans "No se vende la calle" –, fait l’apologie des drogues douces, du sexe (dans le très explicite "Première consultation") ou du foot ("Passements de jambes").
Les sujets sont parfois décrits au premier degré, et d’autres fois sous forme d’histoire, "Celui qui vient chez toi (Quand tu n’es pas là)" en étant le meilleur exemple. Multipliant les références, les jeux de mots (le fameux "Je travaille où d’autres s’amusent / Peut être que j’abuse, en tout cas j’accuse / Toutes celles qui dans mon cabinet s’amusent"), le Doc a même la prétention d’inviter Basile Boli pour l’intro de "Passements de jambes" où il fait impudemment des parallèles entre les carrières de chanteurs et de footballeurs terminant le titre par un "Le foot, c’est malsain, comme la musique il y a que des requins / pas d’échanges de maillots, tu pourrais prendre mon flow" des plus ravageurs.
Bruno a ses propres opinions, et il le fait savoir. Ainsi, il se dit étranger au microcosme Hip Hop dans "Classez-moi dans la variet'", osant même l’ultime insulte au mouvement qu’est "Je me fous de la Nation Zulu". Dans un registre plus personnel, il décrit l’absence de son père dans "Tel père tel fils (Papa was a Rollin’ Stone)" sous une forme évidemment comique, comme à l’accoutumé.
Enfin, certains morceaux sont tout bonnement tordants comme "Vanessa", où il décrit les folles nuits – solitaires – de son adolescence, ou "Les filles du Moove", qui évoque les filles de soirées encombrées d’un enfant. Les paroles sont parfois crues, mais on s’en fout. On accepte tout chez le Doc, et c’est là sa grande force. Même des paroles tel que "Ton sac de bonbons devenue carnet de téléphone / Fini d’être mignonne tu préfères être bonne / Respecte toi je ne le ferai pas pour toi / Une fille du mouvement, ça tourne avec le vent." passent comme une lettre à la Poste. Trop fort Gyneco.
"Dans ma rue, les lascars se serrent la main / Ce n’est pas comme dans le show-biz, où les mecs se font la bise."
Plus de dix ans après sa sortie, Première Consultation vieillit impeccablement. Les musiques sont toujours accrocheuses et les paroles se retiennent facilement. L’album est homogène, et d’un très haut niveau, malgré quelques baisses de régime comme le titre éponyme – incontestablement le plus mauvais morceau du disque. Véritable pièce maîtresse du Rap français, ce premier album de Doc Gyneco reste (et restera) sans aucun doute sa meilleure sortie. Frais, léger, et impeccable musicalement, Première Consultation a tout pour plaire. "Tu en tomberas forcément accro… codile".
Gee Lok a écrit:C est clair il déchirait trop a cett époque ses phases ,ses instrus ,son ptit style westcoast (et dire que Kenzy s'était foutu de sa gueule quand Gynéco lui avait annoncé qu'il voulait sortir un album!).
Parcontre j avais pas trop accroché aux LIAISONS DANGEREUSES(considéré comme un classik par certains) album ou je trouve qu'il à commencer a partir en couille comme par exemple le morceau avec Bernard Tapis, d'ailleur à l'époque cet album avait causé quelques frayeurs à Virgin.
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