par Siso le 09 Fév 2008, 12:23
ROHFF INTERVIEW LE PARISIEN 8 FEVRIER
Comment avez-vous vécu cette condamnation ?
Rohff. Tout s'est effondré autour de moi. Non pas parce que je partais en prison, mais parce que j'ai vu ma mère en pleurs à la barre. Notre vie familiale se retrouvait déballée sur la place publique. Je suis comorien et, chez nous, on est plutôt pudique. Après, sur le fond, les juges n'ont pas fait la part des choses entre les histoires avec mon frère et les embrouilles avec d'autres rappeurs qui avaient fait l'objet de vidéos sur le Net. Les deux se sont télescopés. Pendant l'audience, la juge m'a ressorti certains de mes textes en me disant que je prônais la violence.
Mais cette violence existe bien dans les textes de hip-hop...
Oui. Mais ce sont des constats. On essaie d'expliquer ce qui peut se passer dans la rue. De la violence, il y en a partout. Je ne la glorifie pas.
Pourquoi alors porter une arme sur vous ?
Mais je me sentais vraiment menacé ! A l'époque, je recevais des appels anonymes, on me disait que j'allais mourir au feu rouge. J'ai perdu mon calme, j'ai fait une vidéo sur Internet pour répondre sous forme de clash (NDLR : joute verbale entre rappeurs). Aujourd'hui, je ne suis pas armé.
« je n'ai pas du tout envie d'y retourner »
Pourtant, tout cela n'est que de la musique, non ?
Le rap, c'est l'histoire de la rue. Et la rue, c'est la misère sociale, donc la jalousie, l'envie, les vérités déformées, les rumeurs... On a dit de moi que je faisais l'objet de chantage, qu'on m'avait racketté. Tout était faux. Le rap monte vite à la tête des gens. Moi, je me suis lancé dans cette musique par passion, parce que j'avais des choses à dire. Puis le rap est devenu une vraie économie, les disques ont commencé à se vendre beaucoup. Cela a créé tout de suite des tensions.
Sans le rap, qu'auriez-vous fait ?
J'aurais pu très mal tourner. Je suis arrivé des Comores à l'âge de 8 ans, en banlieue. Je ne parlais pas la langue. J'ai réussi à m'en sortir et je suis fier de mon parcours. Mais mes potes de Vitry, où j'ai grandi, sont morts ou au placard. Quand j'étais à Fresnes, j'en ai revu un certain nombre.
Comment avez-vous vécu cette détention ?
Dire le mot prison dans une chanson, c'est une chose. Mais y être... C'était la première fois et je n'ai pas du tout envie d'y retourner. J'étais en isolement, parce que l'affaire avait été médiatisée. Je n'ai pas eu de problème à l'intérieur, mais j'avais peur que tout ce que j'avais construit s'écroule, que je sois obligé de tout recommencer à zéro. J'ai une société qui permet de produire de jeunes artistes comme TLF, dont l'album vient de sortir, j'ai aussi ma ligne de vêtements... Il a fallu expliquer au juge d'application des peines que l'on risquait le dépôt de bilan, que les emplois d'une quinzaine de personnes étaient menacés. Si j'étais resté en prison, on aurait dû tout arrêter.
Quand êtes-vous sorti ?
Pour assurer la première partie de 50 Cent, à Bercy. C'était surréaliste. Je passais de ma cellule d'isolement à 18 000 personnes face à moi. Quand je suis sorti de Fresnes, ce jour-là, j'étais vide. J'avais répété les couplets dans ma cellule, avec mon poste. Après le concert, j'avais le tournis. Il y avait eu trop d'yeux sur moi. Ensuite, j'ai porté un bracelet électronique pendant un mois et demi. Je suis en liberté conditionnelle depuis mi-janvier.
Avez-vous écrit durant votre détention ?
Oui, beaucoup. J'avais commencé à travailler sur un disque dont j'avais déjà annoncé le titre, « Code de l'horreur ». Je vais le garder, mais les épreuves récentes ont nourri de nouveaux textes. En même temps, je ne veux pas faire de la prison un fonds de commerce. Cette expérience m'a fait réfléchir, j'ai fait le point. Aujourd'hui, je suis plus posé et je veux aller de l'avant.